Théophilos Geredakis
Univers

Univers

Une œuvre sans filtre

Depuis son enfance, Théophilos ne cesse d’être habité par la nécessité de créer dans un élan toujours renouvelé et à travers des expériences multiples que ce soit au sein de son village en Crète, sur un cargo à travers l’océan ou encore à Paris à l’école des Beaux-Arts. Il est animé par un besoin vital d’expression, en-dehors de toute convention académique, très proche du mouvement Cobra auquel a appartenu son maître, Pierre Alechinsky, avec qui il a travaillé à Paris et à Bougival.

La multiplicité des supports choisis souligne la persistance de cet élan créateur.

Enfant, il sculpte une « lyra » (instrument de musique crétois).
Plus tard, il travaille des blocs de pierre trouvés dans la campagne crétoise.

A Paris, accueilli dans l’atelier de Louis Nallard, il s’initie à la peinture à huile et c’est sans difficultés qu’il enchaîne avec la technique de l’acrylique dans l’atelier de Pierre Alechinsky, en tant qu’artiste invité, remarqué et remarquable.

Dans son oeuvre, Théophilos manifeste avec force l’expression de son psychisme et des sources vitales de son être. Il exprime ce qu’il voit, ce qu’il ressent et donne ainsi accès à un imaginaire mythologique très personnel, riche et décloisonné.

Théophilos Geredakis, quel que soit le mode de son expression, réussit à prouver sa personnalité. De nos jours, où l’art est devenu international, avisé des courants contemporains, il les assimile d’une manière toute créative.

Dora Iliopoulou-Rogan, critique et historienne d’art.

Des mythologies revisitées

Les œuvres de Théophilos présentent une multitude d’éléments mythologiques empruntés, recréés et reliés, mêlant légendes traditionnelles et univers personnel.

L’héritage minoen est particulièrement présent.

Le mythique disque de Phaistos se retrouve dans un grand nombre de gravures et de céramiques. Il en est de même pour les hiéroglyphes minoens qui l’accompagnent. De nombreuses formes végétales, animales et humaines évoquent les thèmes des fresques retrouvées dans les ruines des palais crétois.

Superposant les récits mythologiques, Théophilos reprend dans plusieurs de ses sculptures le thème de l’enlèvement d’Europe et la figure du taureau, animal sacré central dans les jeux minoens. Se mêlent à ces thèmes traditionnels ceux propres aux récits populaires crétois: esprits, démons, personnages fantastiques.

Le personnage de Mésiméras qui emporte les enfants à midi sonnant et qui a hanté tant de générations se retrouve évoqué à maintes reprises.
Il est représenté sur cette encre de chine de 1993.

Dans la sculpture intitulée « Le guerrier » ressurgit la figure mythique du héros crétois, éternel résistant à l’envahisseur, symbole même de l’âme crétoise.

A cet univers légendaire, s’entrelace un grand nombre d’éléments symboliques d’une vie rurale ancienne. A l’évocation de la lyra se mêlent de multiples variations autour de l’olivier et du monde animal où oiseaux, chats et chevaux se croisent.

Une œuvre se jouant des contrastes

Il s’agit d’une œuvre libre jouant souvent sur des jeux d’apparition et de disparition.

Dans ses peintures-volumes, le pinceau prolonge chaque dessin sur les six faces suivantes.

Les lignes s’enchaînent pour donner naissance à de nouvelles formes dans un mouvement permanent sans début ni fin.

Les formes en creux de ses sculptures plates découpées se reflètent sur l’espace extérieur, mur ou sol, et semblent s’échapper, selon l’intensité de la lumière.

Ces projections fugitives dans l’espace évoquent les esprits des croyances anciennes qui s’échappent dès qu’on les approche…

La coexistence de formes pleines et creuses invite le regard à voir des formes différentes selon qu’il se pose sur les unes ou sur les autres.

Le travail de Théophilos frôle l’abstraction sans jamais perdre de vue la figuration. Celle-ci apparaît ou disparaît selon le regard qui parcourt l’œuvre.

« Je déchire un papier, le froisse et le jette à terre; mon pinceau suit la forme ainsi créée, joue avec, trace un dessin volontaire d’où surgit un oiseau, un arbre, un visage.

T. Geredakis, Catalogue de l’exposition à l’Institut français d’Athènes (1988)

Dans « Le peintre caché » (encre de chine, 1992) se dressent cinq formes massives occupant magistralement l’espace dans une appréhension verticale et, caché au milieu de l’œuvre,
l’œil pétillant de l’artiste semble faire signe au spectateur qui, une fois qu’il l’a découvert, ne peut plus s’en détacher.
-->